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Les métaphores : les générer pour les connaître

Yves Simon, Jean-François Hüe, Chantal Enguehard

Résumé : L'objet privilégié des études sur la métaphore et la métonymie est la recherche d'une représentation satisfaisante du sens dans les phrases où apparaissent ces deux figures. En particulier les recherches sur les métaphores portent essentiellement sur la nature de la relation entre la "source" et la "cible" d'une métaphore, de manière à pouvoir en proposer une interprétation en contexte, sans avoir recours à un enregistrement préalable dans le lexique de tous les sens d'un terme. D'après la classification proposée par D. Fass [91], les approches habituelles utilisées en reconnaissance de métaphores mettent respectivement l'accent sur les aspects analogiques, nouveaux et anormaux entre la source et la cible, sans traiter cependant les problèmes de détection des concepts métaphoriques mis en jeu. J. H. Martin [91] propose une méthode fondée sur celle de G. Lakoff [80] dans laquelle le sens métaphorique "conventionnel" y est systématiquement opposé à la notion de sens "littéral", lequel est reproduit à la suite d'un traitement sémantique où un concept est associé à une entrée lexicale. Martin acquiert de "nouvelles" métaphores en prolongeant, et en combinant des métaphores déjà connues. Il remplace alors une profusion de sens pour un terme du lexique par une profusion de concepts métaphoriques. Dans ces conditions, la solution retenue donne une couverture lexicale hétérogène. Nous proposons ici de montrer un mécanisme permettant de pallier l'hétérogénéité de la couverture lexicale de différents champs sémantiques. Ainsi, par exemple, dans le domaine de l'acquisition de connaissances concernant le concept "livre", les différentes formes de cette acquisition, et notamment les indicateurs du degré d'appétence, n'ont que peu de formes dédiées. Pour pallier ce manque, le recours à des constructions métaphoriques faisant usage du vocabulaire issu d'autres domaines pourra être utilisé avec profit. L'usage des éléments du lexique dédiés au domaine de l'alimentation donnera des expressions telles que : "c'est un livre très indigeste", "ce livre est un vrai régal". De la même manière, des domaines d'activités sont apparus sans qu'une terminologie suffisante n'ait accompagné leur développement. Le domaine de la bourse en est un bon exemple, dans lequel les diverses activités et éléments de description font usage de terminologies issues de divers domaines que l'on reconnaîtra dans des expressions comme : "la bourse plonge, coule", "le cours de la bourse explose". La métaphore réalise ainsi un transfert lexical d'un domaine à un autre en s'appuyant sur la structuration lexicale d'un domaine (fondée sur des relations sémantiques entre éléments du lexique) pour plaquer sur l'autre des éléments du lexique du premier, absents dans le second. Les relations permettent alors de fonder et par-là même d'attribuer, une nouvelle signification au terme transféré. Si ce mécanisme et la correspondance mise en jeu sont implicites dans un énoncé tel que "le livre rassasie l'esprit" dans lequel c'est le rôle (ou le cas) occupé par l'élément (ici "livre" qui occupe le cas "agent" de "rassasier") qui induit sur cet élément un effet métaphorique lui attribuant un correspondant dans l'autre domaine ("livre" en position d'agent de rassasier joue le rôle d'aliment), ils en deviennent explicites dans l'énoncé "le livre est un aliment pour l'esprit" où l'expression de la relation "est un" indique explicitement comment construire la signification dérivée (le livre nourrit l'esprit comme l'aliment nourrit le corps). Les métaphores envisagées dans le système COMET (COnstruction de METaphores) se construisent à partir de la structuration du lexique pour lequel une taxonomie est construite. De par cette organisation, où l'on a un ensemble de domaines structurés en une hiérarchie de classes, une hiérarchisation des éléments du lexique est réalisée, en allant du général au particulier. Nous présenterons la représentation employée pour saisir les contraintes posées par cette approche des métaphores, à travers leur génération. Nous parlerons d'abord des conditions de fond pour représenter des métaphores individuelles. Nous montrerons ensuite que notre connaissance des métaphores dans le langage ne peut pas être appréhendée de manière exhaustive, par simple énumération de chacune d'entre elles. L'examen des métaphores dans le langage montre certaines régularités. Pour percevoir ces régularités, des ensembles d'exemples seront analysés. Pour chaque cas appréhendé : nous donnerons un ensemble d'exemples illustratifs ; une analyse du phénomène en termes de représentation sera effectuée ; enfin, certaines suggestions seront faites, afin de donner une représentation qui pourrait suffisamment rendre compte des régularités rencontrées.